Opinion

Les différences entre les sondages, une question de méthodes ?

Les enquêtes d’opinion pourraient sous-estimer la popularité du Parti conservateur

Depuis le début de la campagne électorale, 105 sondages nationaux ont été publiés. Au cours des derniers jours, certains sondages ont présenté des estimations différentes des intentions de vote au Canada.

Le sondage Ekos publié dans La Presse donne 35 % au Parti conservateur (PCC), alors que le sondage Ipsos-Reid lui en accorde 27 % et les autres sondages publiés, autour de 30 %. Les estimations pour les autres partis varient de la même manière, soit de 26 % à 33 % pour le Parti libéral (PLC) et de 24 % à 31 % pour le Nouveau Parti démocratique (NPD). La situation est similaire au Québec, où le Parti conservateur est crédité d’intentions de vote variant de 14 % à 24 %, le Parti libéral, de 19 % à 24 %, le NPD de 33 % à 42 % et le Bloc québécois de 9 % à 23 %. Enfin, en Ontario, l’estimation des intentions de vote pour le PCC varie entre 32 % et 39 %, celles pour le PLC, entre 30 % et 41 % et celles pour le NPD, entre 20 % et 25 %. Si l’on veut se fier aux sondages pour savoir ce qui se passe, comment s’y retrouver ? Peut-on expliquer ces différences par les méthodes utilisées ?

Trois modes d’administration sont utilisés en ce moment : le panel internet (52 % des sondages), le sondage téléphonique automatisé (30 %) et l’entrevue téléphonique classique (19 %). J’ai analysé les différences dans les modes d’administration pour tous les sondages publiés depuis le début de 2015. J’ai tenu compte de l’évolution dans le temps et des autres aspects de la méthodologie (nombre de jours de terrain, proportion de discrets, taille de l’échantillon). Premier constat : pour l’ensemble du Canada, il n’existe pas de différence dans l’estimation des intentions de vote selon le mode utilisé. En moyenne, les sondages placent les trois partis presque à égalité avec un léger avantage du PCC et du PLC sur le NPD.

Par contre, lorsque l’on fait les mêmes analyses pour le Québec et l’Ontario, la situation est différente. 

Au Québec, les sondages téléphoniques automatisés (IVR) ont tendance à donner une estimation plus élevée pour le PCC et le Bloc et moins élevée pour le PLC et le NPD que les entrevues téléphoniques classiques. 

Les sondages internet, quant à eux, se distinguent seulement par une estimation moins élevée du PLC et plus élevée du NPD. En Ontario, les sondages IVR accordent moins d’intentions de vote au PCC et davantage au NPD alors que les sondages internet donnent également un avantage au NPD.

Que conclure ? Pour avoir une meilleure idée de la situation actuelle, il faut rappeler que les sondages de l’élection de 2011 avaient sous-estimé le PCC de près de quatre points dans l’ensemble du Canada. Les sondages internet et IVR étaient en partie responsables de cette sous-estimation. La sous-estimation était surtout due à l’Ontario. Par contre, au Québec, les estimations des sondeurs étaient pratiquement parfaites, malgré la difficulté de bien estimer le changement important qui s’était produit durant les deux dernières semaines de la campagne. Au cours des dernières années, trois élections, celles de l’Alberta et du Québec en 2012 et celle de la Colombie-Britannique en 2013, ont mis en scène un gouvernement sortant ayant cumulé plusieurs mandats et une forte volonté de changement de l’électorat selon les sondages. Elles ont toutes donné lieu à une sous-estimation importante du parti au pouvoir. On peut donc penser que le PCC est susceptible d’être sous-estimé, qu’il faut faire attention aux différences selon les modes, surtout au niveau des provinces et des régions et, enfin, qu’il ne faut pas se fier à un seul sondage pour avoir une idée de la situation.

* L’auteure collabore à la section Débats pendant la campagne électorale.

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